Il était une fois un jeune dragonnet, le plus gentil qu'on eût su voir. Sa
mère en était fière, et son père plus fier encore. Pour son jour de naissance,
on lui avait offert une magnifique besace en cuir pour rapporter son butin.
Un jour, sa mère lui dit : « Va porter ce gâteau de lave au vieux dragon de
la montagne, car on m'a dit qu'il était fort affaibli. C'est un grand honneur
pour un jeune dragon de le servir. » Le dragonnet partit aussitôt, le gâteau
bien chaud dans sa besace.
En volant au-dessus de la forêt, il rencontra Maître Renard, qui eut bien
envie de lui voler son gâteau ; mais il n'osa, à cause de la flamme qui fumait
parfois des naseaux du dragon. Il lui demanda où il allait ; le pauvre
dragonnet, qui ne savait pas qu'il est imprudent de se vanter à un renard, lui
dit : « Je vais voir le vieux dragon de la montagne, et lui porter un gâteau de
lave que ma mère a cuit pour lui. »
— Demeure-t-il bien loin ? lui dit le renard.
— Oh ! oui, dit le dragonnet, c'est de l'autre côté des pics acérés, tout
là-haut, dans la première caverne qui fume.
— Hé bien, dit le renard rusé, je veux l'aller voir aussi ; je m'y en vais par
ce sentier ici, et toi par les airs, et nous verrons qui plus tôt y sera.
Le renard, qui connaissait un raccourci, se dépêcha. Le dragonnet, lui,
volait de tout son cœur, mais plus il essayait d'aller vite, plus il était
nerveux, et plus de la fumée grise sortait de son nez, l'aveuglant à moitié.
Lorsqu'il arriva enfin, essoufflé, il vit le renard qui, flatteur,
racontait déjà au vieux dragon que le gâteau était son idée. Fou de chagrin, le
dragonnet sentit une chaleur non pas de colère, mais de tristesse, lui
réchauffer le cœur. Il ouvrit la bouche pour s'excuser et, dans un sanglot, un flot
de douces flammes dorées et chaleureuses en jaillit, réchauffant instantanément
la grotte.
Le vieux dragon sourit. « Merci, petit. Ta flamme amicale vaut tous les
gâteaux de lave du monde. Quant à toi, renard, laisse-nous. Ici, on préfère la
chaleur du cœur à celle du vol. »